Interview de Emeric Penninck
Nous avons posé quelques questions à Emeric Penninck, diplômé de l’ECV Lille, cursus Animation Promotion 2018. Actuellement Fur Artist chez Dwarf Animation Studio à Montpellier, il revient sur son parcours à l’ECV et ses riches expériences professionnelles, notamment son poste de CFX Artist sur “Astérix: le secret de la Potion Magique”.
Comment as-tu connu l’ECV et pour quelles raisons as-tu choisi d’intégrer l’ECV Lille ?
Ma mère est tombée par hasard sur des étudiants de l’ECV Lille lors d’une visite à Art Up ! (Foire d’Art contemporain qui a lieu chaque année à Lille Grand Palais). Elle a vu que des ateliers découvertes d’une semaine pendant les vacances scolaires étaient proposés. J’y suis allé, et ça m’a tout de suite plu ! J’ai passé mon entretien d’admission, j’ai eu le droit à une présentation des lieux et des travaux et la suite vous la connaissez…
Pourquoi as-tu choisi de faire des études en Animation ?
J’ai toujours eu un esprit enfantin et très imaginatif. L’animation me permet de le développer et de le partager aussi. Rêver et faire rêver ! Et puis une image c’est joli… Mais c’est encore mieux quand elle bouge : les images racontent souvent plus de choses que la parole. J’ai tout de même apprécié les notions de communication que j’ai eues en première année.
Qu’est-ce que la formation à l’ECV t’a apporté ? Quel a été ton meilleur souvenir ?
J’ai pu apprendre les bases ainsi que toutes les étapes du processus de la création d’un film d’animation ou d’une série. L’école m’a poussé à aller plus loin dans ma curiosité et dans mes recherches, à être méticuleux, organisé dans mon travail et autonome. Mon meilleur souvenir reste celui d’un workshop « Sculpture Cartoon » avec René Dieu, ancien dessinateur et sculpteur chez Disney. Nous devions sculpter Tarzan. Quand il nous a montré son carnet de dessin et de sculpture, je voulais tout lui piquer…
Raconte-nous en quelques mots comment s’est déroulée la réalisation de « Mr Eole », ton film de fin d’études ?
J’ai eu la chance de travailler avec des amies, nous étions d’accord rapidement et sans jugement. Nous avons eu l’occasion d’échanger nos idées et d’en discuter sereinement. En plus de cela, nous nous complétions dans beaucoup de domaines : chacun d’entre nous a pu travailler sur la partie qu’il voulait développer.
Comment s’est déroulée la sortie de l’école ? As-tu trouvé du travail facilement ?
Après mon jury de fin d’études composé de professionnels de l’animation, j’ai été démarché par deux gros studios à Paris : Mikros pour travailler en CFX, et Fortiche pour du Fur. Mikros travaillant sur le dernier film prisé de Louis Clichy et Alexandre Astier : « Astérix et le secret de la potion magique », j’ai tout de suite accepté.
ECV – Comment t’es venue l’ambition de devenir « fur Artist » ? Peux-tu nous raconter en quoi consiste ce métier ?
Etre « Fur Artist », c’est un peu comme être le coiffeur de la 3D : on s’occupe de créer le poil, mais aussi son mouvement en 3D. Nous créons la fourrure sur les animaux et les créatures, les vêtements, mais aussi les cheveux, les moustaches… Nous concevons aussi l’herbe : les « poils de la terre » ! Nous devons recréer la sensation du toucher et de la texture, faire que le poil soit doux, mouillé, dru… Bref, donner l’envie de prendre un personnage dans ses bras et de lui faire un gros câlin !
Initialement, je voulais devenir Character Designer, mais j’ai préféré garder cela comme passion. Depuis longtemps, lorsque je vais voir un film d’animation au cinéma, le Fur est la première chose qui m’attire et que je regarde : je trouve cela fantastique ! Par exemple, dans le film d’animation « Ferdinand », il y avait une prairie immense recouverte d’herbe fraîche. Je voulais presque me rouler dedans, et j’avais presque l’odeur qui s’engouffrait dans mes narines ! J’ai donc moi-même pris l’initiative d’apprendre le fur en fin de deuxième année. J’ai fait un premier essai timide dans mon premier court métrage d’étudiant, puis dans le second, j’ai essayé de pousser un peu plus. C’est un milieu qui évolue énormément et qui demande beaucoup d’interprétation et de liberté, et je ne voulais pas perdre le côté artistique en partant dans la 3D technique.
Cet attrait remonte à mon enfance : quand je demandais une peluche c’était toujours la plus poilue et la plus touffue !
Tu es justement « Fur Artist » actuellement chez DWARF à Montpellier : sur quoi travailles-tu et quelles sont tes missions ?
Emeric P. – Je travaille pour Disney et Netflix. Je n’ai malheureusement pas le droit d’en dire plus pour le moment. Je travaille actuellement avec une petite équipe et nous créons les visuels de deux séries. J’ai beaucoup de responsabilités en « poilant » les personnages principaux. J’ai aussi la chance de pouvoir travailler avec Glenn Keane : il vient régulièrement avec son fils au studio pour superviser la production. Il nous donne énormément de conseils et nous faisons également des conférences Skype à « l’américaine ».
Tu as également travaillé sur « Astérix et le secret de la potion magique »: peux-tu nous raconter en quelques mots ton expérience ?
C’était incroyable ! J’ai appris énormément de choses et je m’entendais extrêmement bien avec toute l’équipe, on se donne régulièrement des nouvelles. Je me rappellerai de cette première expérience toute ma vie. J’ai eu la chance de rencontrer Alexandre Astier mais aussi Louis Clichy qui était vraiment présent en tant que réalisateur : et il m’a donné de précieux conseils jusqu’à la fin de la production. Je suis très fier d’avoir donné ma petite contribution à ce film juste après ma sortie d’école !
Quelques mots pour résumer ton parcours à l’ECV Lille ?
Je suis rentré avec des rêves et des images plein la tête, je n’ai pas vu les cinq années passer, et je suis ressorti avec les compétences nécessaires pour pouvoir les réaliser.
Quels conseils donnerais-tu à un futur étudiant qui souhaite intégrer l’école ?
Nous avons la chance de faire un métier fun, mais qui demande énormément de travail individuel. Nous ne cesserons jamais de découvrir et de nous adapter aux technologies 2D ou 3D. Les conseils que je peux donner, c’est de toujours vouloir s’améliorer, d’écouter les autres, mais surtout de ne pas se reposer sur ses acquis. Il ne faut pas se dire « je vais faire une école d’art, et quand je vais sortir je vais savoir dessiner comme ça ou comme lui etc » parce que c’est complètement faux. Au-delà de la passion, cela reste un art qui demande un gros travail sur soi et une grande disponibilité.